Nairobi 2011

La réunion de Nairobi était placée sous le signe d’un FGI 2.0, cette 6è édition n’ayant pas été prévue lors des conclusions du Sommet de Tunis en 2005. Cette édition, libérée de la menace d’un arrêt pur et simple de ces sommets opérés sous l’égide de l’ONU, a permis encore une fois des rencontres et discussions qui devraient se prolonger encore pendant 4 ans, jusqu’au prochain sommet de 2015.

Comme chaque année, EUROLINC est présent au FGI qui se tient cette année au Kenya, à Nairobi et dont le thème étaitt :
« The Internet as a catalyst for a change : access, development, freedoms and innovation », vaste programme.

Grosse fatigue
En venant à Nairobi nous avions fait des répartitions de tâches et des prévisions d’activité… sans tenir compte que ici nous sommes à 1800m d’altitude…
Avec les 20mn de marche entre notre résidence et la conférence plus la station debout au stand et les aller-retour entre des salles mal indiquées, l’équipe est un peu sur les genoux. D’où le manque de retours d’information, désolée, on tente de se rattraper.

Organisation
Les kenyans ont fait de gros efforts pour l’occasion et le centre de l’UNON (Nations Unies Nairobi) est entièrement dédié à l’événement. Pas de contrôles trop tatillons, un staff aimable mais une organisation déroutante : la liste des workshops et les salles sont bien affichées mais par un menu déroulant véloce qui mange la moitié de la ligne, les salles sont numérotées mais le seul plan à la disposition des 1900 congressistes est une feuille A3 scotchée sur un vague poteau dans un coin (pas de photocopieur à disposition, ni papier)…
Le programme distribué seulement le mardi midi est également déconcertant, la logique n’étant pas toujours très claire. Quant à savoir QUI organise une réunion (indication assez essentielle quand même) il faut se plonger dans les 50 pages de l’ouvrage pour parfois n’en n’avoir qu’une vague idée. Si on ajoute que certaines réunions sont modifiées sans préavis…
Mais, une des règles des FGI est de ne jamais s’arrêter à des considérations comme un thème ou même un titre de workshop pour en connaître l’intérêt, au FGI le but est de faire des rencontres tout en tentant de découvrir la perle des réunions qui vous fera accepter le reste avec plaisir.

Workshop
Parmi les sessions suivies malgré tout par les représentants d’EUROLINC :

  • Catégorie Feeder Workshop organisé par le Registre du Kenya (KeNIC) sur la gestion des extensions nationales en Afrique de l’Est (les pays anglophones) :
    "Strengthening ccTLD’s in East Africa – Interrogating the Research Findings”, le 27 Sept.

Pot-pourri des interventions :

  • DNSSEC peut être implémenté car les tests ont été faits mais, personne n’en veut. « Aucune demande des consommateurs, même les banques » se désole la responsable d’une extension. Vinton Cerf présent dans la salle précisant que pour lutter contre la fraude c’est difficile de retrouver un Registre où s’effectuent des opérations illégales lorsque les Registres ne sont pas hébergés dans leur propre pays, chose courant en Afrique où le manque d’infrastructure incite les pays à déléguer leur extension à un prestataire qui peut être externe (le Rwanda va être géré par le Danemark).
  • Langue et contenus locaux : un des intervenants remarque que les ccTLDs en Afrique s’apparentent à de la gestion de « Global Village » avec une gestion locale des langues parfois difficile. Ainsi, la Somalie a son extension (.SO) depuis deux ans mais tout le gouvernement et les officiels ont toujours des emails en @hotmail ou @gmail. Egalement Tobago où la déléguée des Fidji regrette des problèmes dans les transcripts de langue (explication technique un peu nébuleuse pour moi, désolée)
  • DOT AFRICA – cette question est vite réglée, « déjà développer ses propres extensions avant ».
  • Catégorie Critical Internet Ressources – Organisé par le Qatar, un atelier sur les IDN
    « Internationalized Domain Names « IDN » :implementations, experiences and challenges. »
    Un travail initié en 2000 dont les premiers résultats avaient été présentés lors de l’IGF de Sharm El Sheikh en 2009. Sur l’ensemble de la région cela représente environ 30 ccTLDs.

Une réunion de synthèse est prévue avec l’ICANN en octobre.

  • Pourquoi utiliser ces IDN ? L’Egypte parle de « Eye-catching brand identity » pour localiser une marque et promouvoir le business local.
  • D’autres représentants mettent en avant le nombre de caractères qui semble infini pour les IDN contrairement à la règle des 2 digits pour les codes pays, Singapour réclamant en vain depuis longtemps de passer à 3 digits. La surprise est que dans certaines cultures il est nécessaire d’être explicite dans l’URL et qu’il n’est pas rare de voir des « vendeurs-de-poisson-de-la-mer-caspienne-specialiste-de-l-esturgeon »… Les 2 digits du code pays ne sont en théorie pas un frein à des URL sous forme de roman mais la langue de la communauté est plus explicite pour des internautes peu anglophones. La difficulté remontée est le cybersquatting dû axu dépôst de noms de domaine très longs et qui sont en fait des acronymes de Marque ou de société.
  • L’obstacle de la langue anglaise est également mis en avant (mais ce n’est pas une surprise). Ainsi, seulement 34% des 140 millions de Russes parlent anglais. Rappel par les intervenants de quelques chiffres connus mais qui parlent d’eux-mêmes :
    • 1,6 milliard des utilisateurs d’internet ont des scripts non-latins
    • 65% des utilisateurs ne parlent et n’écrivent pas l’anglais
  • l’utilisation des IDN : surprise, en fait il y a pratiquement le même nombre de noms en .RU que dans la graphie russe IDN, que ce soit pour les individus ou les organismes, alors que l’extension IDN approche du million d’utilisateurs.
  • Les difficultés rencontrées : depuis l’IGF de 2009 les problèmes rencontrés par les « variants » semblent toujours faire obstacle.
    • En arabe pour certains pays il y a plus de 10 similitudes pour un seul caractère, donc cela veut dire que déposer un nom donne un WHOIS exponentiel. D’ailleurs la terminologie change puisque l’on parle ici de fiche de « Domain Creation Transaction »
    • Pour la Chine, mis à part les difficultés des utilisateurs avec des claviers en anglais, les deux écritures (chinois simplifié et chinois traditionnel) perdurent pour des raisons culturelles (littérature ancienne) et sociologiques (toute la médecine traditionnelle est rédigée en caractère traditionnel et n’est pas traduisible) plus les pays de la diaspora. Et, malgré son expansion, l’internet chinois est loin d’avoir fait le plein avec seulement le 1/3 de sa population connectée et un taux de pénétration d’internet de 36,2%. Dans cette langue, les variants où deux caractères différents ont exactement le même sens sont communs…

Le Qatar lance son plan marketing le 18 octobre pour inciter les qataris à utiliser leur extension en IDN et le Registre va vendre les variantes en bundle. A suivre, d’autant que Internet Explorer ne restitue pas bien les caractères et que Google ne les prend pas bien en compte dans les résultats de recherche.

La conclusion de cet atelier fut sur tous les sujets mis de côté depuis le début de cette expérience (10 ans !), dont… les réseaux sociaux, pas encore pris en compte.

Open Root

_ Nouveauté, cette année, EUROLINC a un stand qui s’est révélé être très bien situé – entre l’entrée du complexe et le passage vers le café et l’exposition d’une magnifique banderole ne peut échapper aux yeux des 1900 participants.de ce sommet où est présenté leprojet « Open Root ».
Réunissant des compétences européennes Louis Pouzin a permis la mise en œuvre des idées d’EUROLINC sur les langues naturelles et la gouvernance de l’Internet par le lancement d’une société et d’un produit, « Open Root », présenté au dernier CA de l’association.
Battant en brèche l’idée d’une Racine unique gérée par un organisme centralisé dans un Internet « global » basé sur de l’ASCII, les premières réalisations de la jeune société « Savoir-Faire » sont des Racines Ouvertes. La création de ces TLDs par Open Root peut se faire dans tous les alphabets et le client a le choix de sa Racine. Comme pour les Marques, différentes Racines Ouvertes peuvent co-exister tout comme les sites internet en .COM, .NET ou .DE peuvent pointer sur des entités totalement différentes.

Le stand obtenu au FGI de Nairobi était donc un test intéressant sur les réactions des participants dont la population est à priori acquise aux thèses de la Racine unique de l’ICANN. Un calicot a été réalisé et a donné une bonne visibilité à l’initiative.
La demi-surprise est l’intérêt marqué des opérateurs locaux (ISP, entreprises, écoles, etc.) et le stand qui ne devait ouvrir qu’une ou deux heures par jour s’est retrouvé devoir être tenu pratiquement toute la journée par Louis et Chantal.
L’intérêt pour des « Local Root » est certain.

Pour conclure sur cet IGF 2011, sa tenue en Afrique a permis une ouverture aux nombreux représentants des pays africains dont le développement des réseaux passe essentiellement par celui du mobile (smartphone avec 4 cartes SIM !). La culture de l’écriture est peu développée en Afrique où la voix est plus importante que les données, Orange développe d’ailleurs en local un système de transfert d’argent par mobile avec un système d’échange de bons. Des utilisations pragmatiques bien éloignées des discussions ésotériques tenues dans certains Workshops.

Le dernier jour des IGF diffère toujours des jours précédents. On tire bien sûr les conclu-
sions des travaux qui viennent de s’achever, mais la réflexion porte sur le bilan qui en découle et sur la prochaine réunion de l’IGF.

L’IGF de Nairobi a bénéficié d’un excellent climat

On s’attendait à des tensions vives sur les améliorations que l’Assemblée des Nations Unies avait demandé qu’on définisse pour le nouveau mandat quinquennal de l’IGF. Mais le Groupe de Travail chargé de le faire n’a pu respecter les délais prévus et une année supplémentaire lui a été accordée.
De plus, le choix du thème « L’Internet et le développement » a très bien convenu au Kenya qui a mis en œuvre une politique active d’accès de la population au mobile.

Dans ce contexte, les sujets d’opposition prévisibles ont été plus facilement traités :

  • Doit-on créer à l’ONU un organisme un organisme de décision sur les questions concernant l’IGF (ou, par exemple, confier cette mission à l’UIT ?)
  • Doit-on prévoir « un moment constitutionnel » à l’IGF pour éviter qu’il devienne le jouet des nations puissantes ?
  • Comment traiter « le code de conduite international pour la sécurité de l’information sur Internet » proposé par la Chine et la Russie ?
  • Comment mettre en œuvre la « coopération renforcée » prévue dans l’Agenda de Tunis ?

Tous ces thèmes qui divisent ont été évoqués sans polémique et on a confirmé que la réunion 2012 de l’IGF serait consacrée aux rapports entre la Gouvernance de l’Internet et les Droits de l’Homme.
Mais le choix de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, n’exclut pas sur un tel sujet des contradictions qui ne garantissent pas la sérénité observée à Nairobi cette année.

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